Ci-après, un récit que j'ai initialement publié sur la PilotList. Il devrait vous intéresser.
On m’a souvent demandé ce qui m’a décidé à « faire pilote » .
Etait-ce le premier vol sur DR400 à l’âge de 5 ans, l’instructeur à droite, Papa derrière et moi sur mes trois coussins, à l’avant, n’osant pas brusquer les commandes de peur de voir le sol d’un peu trop près, ou sous le mauvais angle ?
Etait-ce la sensation de bonheur à l’idée d’aller à Roissy un matin de vacances afin de m’envoler loin de la couronne parisienne ?
Ou était-ce simplement l’émerveillement total à chaque fois que s’entre -ouvrait la porte du cockpit ?
Une chose est sûre, l’Aviation est une passion de « longue » date.
En 2007, j’obtenais mon PPL grâce à mon instructeur avec qui je garde toujours très bon contact – on dit qu’il ne faut pas oublier d’où l’on vient. J’y crois dur comme fer.
Dès que j’en ai eu l’âge et le papier, j’ai préféré prendre la voiture et consacrer les week-end et jours fériés à « tenir la planche ».
Aucun regret puisque c’est à cette occasion que « les piliers » du club, qui savent se faire très discrets, viennent transmettre leur savoir. Au hasard d’une conversation, on y entend des anecdotes sur Concorde, sur des pannes en 707 et sur les aléas de « La Ligne ».
Combien de fois ai-je rêvé sur ces récits, sur ceux de Jacques, Danny, Julien, Susana et des autres ?
En septembre 2009, fermement convaincu, je partais au bout du Monde avec un groupe d’Anglais que je n’avais rencontré que deux semaines auparavant dans les bureaux de l’école. Je rentrais un an plus tard avec un CPL (Licence de Pilote Professionnel) et poursuivait par l’IR-ME, m’autorisant à voler par mauvais temps.
Aujourd’hui, Vendredi 1er Juillet, le rêve se termine, la réalité commence.
« Genève bonjour, Top Swiss 8 Mike Hotel, Stand 2, request IFR clearance to Malaga »
J’ai du mal à réaliser. Aujourd’hui, l’avion orange est plein à craquer. 156 passagers, le maximum que l’on peut prendre.
« 156 têtes qui seront rivées moi, observant mes moindres mouvements. Va falloir assurer! » - me dis-je, puisque l’on sait bien que la moitié n’imagine pas que le co-pilote de 21 ans va les emmener pour son tout premier vol commercial et que l’autre s’en moque complètement – heureusement.
Alors que le safety pilot, installé sur le jumpseat, surveille scrupuleusement nos actions, je déroule les check-lists. On a pris un peu de retard. « Ca se rattrape » me dit mon Commandant.
On dit toujours qu’on se souvient parfaitement de son premier vol mais à mon grand regret, il m’en manque pleins de bouts et la seule chose dont je me souvienne vraiment, c’est la sensation de soulagement à l’arrivée à Malaga. Comme sur Cessna, posé pas cassé. Ouf !
La journée continue. Retour à Genève puis direction Rome-Fiumicino pour un aller-retour. Ca s’enchaine vite mais je commence à prendre le rythme.
A l’escale, un « gamin » de 7 ans nous tend un bout de papier. « Tiens, c’est pour toi ».
C'est un dessin de l'avion. La représentation est fidèle et il a même repéré l’immat’ de l’avion. HB-JZN. On lui présente rapidement le cockpit et je me dis que c’est peut-être un futur collègue. C’est vrai après tout, j’étais pareil !
C’est finalement sur le dernier secteur, après avoir enfin pu discuter un peu avec la cabine, que je prends tout à fait conscience de ce qui m’arrive. Nous sommes en descente vers le FL280, le Mont Blanc se trouve à ma gauche, le soleil sur couche sur l’horizon, c’est simplement magnifique.
Je commence à comprendre ce que les autres avant moi ont raconté.
Pour rien au monde, je n’échangerais ma place : je suis assis ici, sur le plus beau bureau du Monde.
Pierre,
Rêveur expérimenté, pilote débutant.