De la formation entre Nouvelle-Zelande et Europe au cockpit de l'A380. Recits et anecdotes d'un Pilote de Ligne.
3 Octobre 2012
"Top Swiss 1146, contact Zagreb radar 135,8, byebye"
Il est 01h57 UTC, 03h57 heure de Paris; en croisière au FL380 (11,582m) nous venons de quitter l'espace aérien serbe.
La "journėe" a commencė il y presque 8h, téléchargement des dernières éditions du Figaro, de Flight International et vérification de l'Air et Cosmos de la semaine passée dans mon sac puis direction EuroAirport.
"Bonjour, Hello, wie geht's?" 21h40 locale nous finissons le briefing équipage. L'avion aura un peu de retard en provenance de Malaga mais ça devrait être facile à rattraper en l'air.
150 passagers et un bébé à bord au dernier comptage. On est presque plein - 156 sièges disponibles sur nos 319 -
Les derniers collègues se posent devant nous, il y a déjà du brouillard sur la piste.
Quelques minutes plus tard, l'Airbus s'élance dans cette marée blanche. Pas de Center Line Lighting en piste 33. je m'aide des Runway Edge Lights et de la peinture au sol pour rester dans l'axe.
Nos deux CFM56-5B permettent aux 64t de s'arracher doucement au sol.
Sur cet avion, ce sont des INTERMIX Type 2, c'est à dire que l'un des moteurs est de type SAC (Single Annular Combustor) et l'autre de type TI (Tech Insertion). Pour faire simple ce ne sont pas exactement les mêmes moteurs mais pour nous, pas énormément de différence si ce n'est en cas de perte d'un pack -
Doucement mais sûrement nous montons vers notre premier niveau de croisière à 37,000 pieds
L'atmosphère est calme, le radio encore un peu chargée malgré l'heure déjà tardive. Nous passons avec Munchen Radar.
Checklist de croisière, un oeil sur la météo et j'avale mes raviolis, me doutant dès la première bouchée que le contrôle nous rappellerait. Ca n'a pas manqué. A croire qu'ils le font exprès!
En dessous de nous, le manteau blanc de nuage s'étend jusqu'à Sofia, laissant à peine entre-voir les capitales survolées. La lune nous éclaire la voie et je me prête à observer les étoiles.
De quoi sera fait demain?
A l'heure où EADS et BAE s'ouvrent les voies du leadership mondial de construction l'aéronautique, les compagnies aériennes réfléchissent à leur avenir. Quel avion choisir pour renouveler la flotte? Quelle politique adopter pour étendre et renforcer nos parts de marché?
De grandes questions sans vraie réponse à notre échelle de pilote mais qui alimentent les conversations des cockpits. A 23h UTC (1h du matin pour mon estomac) c'est bienvenu.
On refait le monde ou presque, évoque les opportunités futures, la montée en puissance de certaines compagnies du Golfe tandis que d'autres arrivent à maturité, entre-autres.
J'en profite aussi pour répondre aux quelques mails reçus.
Si l'on se permet le luxe de réfléchir au prochain mouvement, c'est non sans oublier les collègues et amis encore au sol, dans l'attente d'un premier boulot en transport public ou même simplement dans un avion.
C'est le challenge aujourd'hui, monter ses premières heures sur type afin de répondre au minima des compagnies.
Pas facile mais il est de bon ton de donner un coup de main lorsqu'on le peut.
On approche Istanbul.
Sur notre droite, toute une série de lumières sur l'eau. Des bateaux qui attendent l'entrée au port ou le passage du détroit du Bosphore pour rejoindre la Mer Noire.
Courte annonce pour informer nos passagers de l'arrivée proche et des conditions à destination.
L'approche se fait sans encombre et j'affiche un petit sourire, assez satisfait par mon posé.
Une petite heure au sol et nous voilà reparti. Il est 02h20 heure de Paris, 03h20 locale Istanbul.
Toujours aussi plein avec 154 âmes à bord cette fois-ci.
Nous sommes presque les seuls en activité en ce tout début de journée.
Un autre A319 de Germanwings commence son embarquement; nous repoussons.
Roulage, alignement, décollage à chaque contact nous réveillons l'ATC qui doit bien se sentir seul du haut de sa tour.
Une bonne dose de café en début de croisière afin de rester éveillé jusqu'au bout.
A cette période de l'année, le soleil n'a pas encore pointé le bout de son nez - il a bien raison par -59 degrés dehors - et la nuit semble d'autant plus longue.
Je sors la météo via ACARS. 650m de visi, Broken 100ft.
On sera au sol dans un peu plus d'une heure. Je vais arrêter d'écrire et revoir un peu les procédures par faible visibilité.
Ce matin, c'est Mr. Airbus qui pose.
Pilote de Ligne.
Ancien Cadet CTC Wings (formation en Nouvelle-Zelande a l'origine de ce blog)
Voir le profil de Pierre sur le portail Overblog